Aux termes de l’article 2 de la loi du 30 novembre 2018 instituant le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), l’institution est chargée « de procéder à la visite des lieux de détention afin notamment de prévenir la commission d’actes de torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants et de renforcer la protection contre de tels actes ».
La mise en œuvre de cette mission consiste pour le CNDH en des visites inopinées et des visites thématiques dans l’ensemble des lieux privatifs de liberté, assorties de la production de rapports de visites. L’intérêt des visites des lieux privatifs de liberté tient à la vulnérabilité des personnes privées de liberté. Elles sont exposées à d’énormes risques de maltraitance, voire de tortures. Ce système de contrôle ne présume aucunement de l’existence de graves problèmes dans les lieux de détention ni un manque de confiance envers les autorités et agents en charge de ces lieux. L’objectif est essentiellement de soumettre l’écart de pouvoir entre autorités détentrices et personnes détenues à un regard extérieur ; et de contribuer à promouvoir les droits des personnes privées de liberté, et limiter les risques de mauvais traitements.
Le caractère considérable de ces visites pour la protection des droits fondamentaux du détenu est par ailleurs reconnu à travers les instruments de protection des droits de l’homme. Conformément au principe 29 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, les lieux de détention doivent être inspectés régulièrement afin de s’assurer du strict respect des lois et règlements pertinents. Au principe 33, il est reconnu aux personnes détenues ou emprisonnées le droit de présenter une requête ou une plainte aux autorités de contrôle sur la façon dont elles sont traitées.
A la date du 03 avril 2023, la population carcérale s’élevait à 26 9403 pour une capacité d’accueil de 9 639 détenus, soit un taux d’occupation de 279, 49%4. L’impact de cette surpopulation est considérable et compromet l’exercice par les détenus de l’ensemble de leurs droits, y compris les droits à l’alimentation, à la santé et celui d’être jugé dans de meilleurs délais.
Ainsi, adossé à sa mission de visite des lieux de détention et prenant la pleine mesure de l’importance et des enjeux de celle-ci dans ce contexte, le CNDH, bénéficiant de l’appui de la GIZ, a initié un projet intitulé « Elaboration du guide de visite des lieux privatifs de liberté » qui vise à renforcer les outils de visite de lieux privatifs de liberté à la disposition de ses équipes de monitoring pour une protection davantage efficiente des droits des détenus.
La première étape du projet consiste en l’élaboration d’un guide de visite des lieux privatifs de liberté. L’approche adoptée par le CNDH est participative et consiste à impliquer l’ensemble des acteurs nationaux et internationaux pertinents de la garde à vue et de la détention afin de déboucher sur un document qui garantisse un monitoring suffisamment exhaustif et objectif.
C’est dans ce cadre que le CNDH, avec l’appui du GIZ a organisé le jeudi 23 mai, un atelier d’adoption d’un plan d’élaboration du guide et de constitution d’équipes de rédaction, avec pour objectif d’adopter un plan d’élaboration du guide de visite des lieux privatifs de liberté et constituer des équipes de rédaction.
« Il s’agit, plus spécifiquement, d’élaborer les principales articulations du guide de visite des lieux privatifs de liberté, à l’attention des équipes de monitoring du CNDH, avec la participation effective de plusieurs acteurs du domaine de la détention. Ce guide pourrait par la suite être généralisé à l’usage des organisations de la société civile qui interviennent en milieu carcéral » a indiqué la Présidente du CNDH, Mme Namizata Sangaré. Elle a par ailleurs indiqué que cet atelier s’inscrit dans le prolongement des actions, initiatives et démarches connexes du CNDH en faveur des détenus, comme le « Guide de sensibilisation sur les droits des détenus (es) à l’intention de l’Administration pénitentiaire » déjà élaboré et qui vise à renforcer les capacités des agents pénitentiaires, des travailleurs sociaux et des agents de santé dans l’exercice de leurs fonctions.
Pour cet atelier, le CNDH compte sur l’appui technique du Ministère de la Justice et des droits de l’homme, du Ministère de la Défense, du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, du Barreau de Côte d’Ivoire, et des agences du Système des Nations Unies (ONUDC et ONU FEMMES), du CICR, de l’Association des Femmes Juristes de Côte d’Ivoire et de l’ACAT-Côte d’Ivoire.
Le CNDH reste conscient du fait que les droits de l’Homme qui comprennent les droits des détenus sont évolutifs et restent une conquête et un défi permanents qui interpellent et impliquent tous les niveaux de responsabilités. La situation de la détention révèle la fragilité de l’équilibre visé par les dispositions de procédure pénale entre les exigences de protection de la société et le respect des droits fondamentaux individuels. « Les prisons détiennent des individus en conflit avéré ou présumé avec la loi. Cependant leur dignité se doit d’être sauvegardée, respectée et protégée à travers un système d’inspection et de contrôle » a rappelé la présidente du CNDH.
Le CNDH espère que cet outil de défense des personnes détenues, en élaboration, permette une meilleure compréhension et appropriation des normes de monitoring des lieux privatifs de liberté par les agents du CNDH et tous les acteurs travaillant en milieu carcéral.



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